Les ciné-villages: les projections du festival Corsica.Doc 2023 hors les murs
Tout au long de l’année l’association Corsica.Doc organise des projections mensuelles dans quelques villes et villages de Corse. A Ajaccio bien sûr, mais aussi à Corte et dans les villages de l’intérieur comme Sollacaro, Bilia, Marignana. Ces projections appelées « Ciné-villages » se feront, aux alentours du festival, en écho avec
la programmation des films de Claire Simon.
800 Km de différence
De Claire Simon (75’, 2001, France)
Manon a 15 ans. En vacances, elle a rencontré Greg, 17 ans. Lui habite Claviers, petit village du Haut Var, elle Paris. Greg et Manon sont amoureux. Claire Simon s’attache à faire le portrait du jeune homme dans le monde qui l’entoure quand sa petite amie est là, quand leur histoire existe et s’affronte à l’histoire et à la géographie. Le film qui a toutes les apparences d’un cinéma direct, débusque la romance à l’œuvre dans la fraîcheur de ce premier amour.
Bilia, samedi 7 octobre à 20h00
Coûte que coûte
De Claire Simon !100’, 1995, France)
Produire coûte que coûte ! Sauver la boîte coûte que coûte ! Même si on n’est pas payé tout de suite, continuer coûte que coûte ! Trouver de nouveaux clients coûte que coûte ! De nouveaux fournisseurs coûte que coûte ! Chronique d’une petite entreprise niçoise de plats cuisinés où chacun se bat pour un succès qui, malgré tous les efforts, n’arrivera pas. Les mécanismes de la faillite sont exposés dans une succession de tranches de vie quotidienne. Intime avec les acteurs de cette aventure – le gérant, les cuisiniers, les secrétaires –, la caméra a su se faire oublier.
Sollacaro samedi 7 octobre à 20h00
Notre corps
De Claire Simon (168’, 2023, France)
J’ai eu l’occasion de filmer, à l’hôpital Tenon de Paris, l’épopée des corps féminins, dans leur diversité, leur singularité, leur beauté tout au long des étapes sur le chemin de la vie. Un parcours de désirs, de peurs, de luttes et d’histoires uniques que chacune est seule à éprouver. Un jour, j'ai dû passer devant la caméra. (Claire Simon).
Le dernier opus de la cinéaste: une quête tendre et puissante sur le corps des femmes, ce que les femmes en disent, ce que les femmes en font. Les femmes et Claire aussi.
Cinéma l'Alba à Corte Samedi 7 octobre à 16h30
Récréations
De Claire Simon (57’, 1992, France)
Il existe une sorte de pays, très petit, si petit qu'il ressemble un peu à une scène de théâtre. Il est habité deux ou trois fois par jour par son peuple. Les habitants sont petits de taille. S'ils vivent selon des lois, en tout cas, ils n'arrêtent pas de les remettre en cause, et de se battre violemment à ce propos. Ce pays s'appelle "La Cour" et son peuple "Les Enfants". Lorsque "Les Enfants" vont dans "La Cour" ils découvrent, éprouvent la " force des sentiments ou la servitude humaine", on appelle cela, la récréation.
Cinéma Scopre à Marignana mardi 10 octobre à 15h30
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.