Courte filmographie de Claire Simon: Les Patients (1989), Récréations (1992), Coûte que coûte (1995), Mimi (2002), Dernier film sorti en salles : Gare du Nord (2013)
« Il y a des jours où on n’en peut plus de la ville, où nos yeux ne supportent plus de ne voir que des immeubles et nos oreilles de n’entendre que des moteurs... Alors on se souvient de la Nature, et on pense au Bois. On passe du trottoir au sentier et nous y voilà ! La rumeur de la ville s’éloigne, on est dans une prairie très loin. C’est la campagne, la forêt, l’enfance qui revient. On y croit, on y est. C’est une illusion vraie, un monde sauvage à portée de main, un lieu pour tous, riches et pauvres, français et étrangers, homos et hétéros, vieux et jeunes, vieux-jeu ou branchés. Le paradis retrouvé. Qui sait ? »
Le film de Claire Simon révèle dans ce bois d’apparence banale situé en marge de Paris, un territoire singulier où les gens des villes se muent en personnages étonnants. Par la grâce de son attention aux autres, de son art de la conversation, la cinéaste esquisse ici une kyrielle de vies qui sont autant de romans en germe. Le bois de Vincennes comme étonnant territoire romanesque.
France, 2015, 146’ Production Just Sayin' Films, Distribution Sophie Dulac Sélectionné au festival de Locarno 2015. Le film sortira en salle le 6 avril 2016.
Avant-première en présence de la réalisatrice.
Fiche film :100 ‘, 2015, France/Cuba, producteur Stéphane Plat, Distribueur JHR, sortie en salle le 2 septembre 2015.
Tourné en partie clandestinement, Esto Es Lo Que Hay a suivi, de 2009 à 2015, l’évolution du groupe Los Aldeanos, un groupe de hip-hop havanais à l’influence grandissante sur l’île. La cinéaste les a accompagnés jusque dans leur sortie du territoire, dans le cadre d’une tournée en Serbie et en Colombie. Une des parties passionnantes du film. Mais, à l’heure de la reprise des relations diplomatiques de Cuba avec les Etats-Unis, c’est leur passage à Miami qui en constitue le moment fort. Los Aldeanos se retrouve là face à la haine de la diaspora cubaine de Floride (qui vomit le régime castriste et ceux qui sont restés au pays). Eux qui fondent leur identité sur la contestation du régime cubain n’en reviennent pas.C’est toute la saveur de ce film que de rendre compte d’une situation complexe ici incarnée par des jeunes musiciens engagés dans leur pays, soudain confrontés au monde extérieur. Bienvenue les Cubains dans notre monde mondialisé !
En présence de la réalisatrice
Fiche film : 100’, France, Belgique, 2013. Producteur Olivier Charvet. Distributeur Epicentre films. Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs Cannes 2013. Sortie en salles le 27 novembre 2013
A Athènes, le modeste appartement d’Amir, un immigré iranien, est devenu un lieu de transit pour des migrants qui, comme lui, ont fait le choix de quitter leur pays. Mais la Grèce n’est qu’une escale, tous espèrent rejoindre d’autres pays occidentaux. Ils se retrouvent donc coincés là, chez Amir, dans l’attente de papiers, de contacts et du passeur à qui ils confieront peut-être leur destin...
Au milieu d’eux, Mohsen, le cousin de Kaveh Bakhtiari, immigré en Suisse. Le cinéaste rejoint son cousin, et s’installe à son tour dans « l’auberge d’Amir ». Pendant plus d’un an, équipé d’une petite caméra numérique, il filme leur quotidien dans le huis clos de l’appartement. Vivant avec des clandestins, il est devenu lui-même un « cinéaste clandestin ». Sa proximité avec eux, protégée par son passeport suisse, en fait des personnages familiers, terriblement attachants. La tension est donnée par l’attente d’un départ possible. On n’est pas loin alors de Beckett, « en attendant Godot ».
Fiche Film: 98’, France, 2013. Production Butimar productions. Distributeur Urban distribution. Sorti en salles en 2013
Mitra Farahani, elle-même peintre et cinéaste, rêvait de faire le portrait de Bahman Mohassess, peintre et sculpteur iranien majeur disparu à la fin des années 60, après avoir été en butte à la censure du régime du chah puis celle de la République islamique. Elle l’a cherché trois ans. Il vivait dans une chambre d’hôtel à Rome. Elle a fini par le trouver et l’a convaincu d’accepter. Elle ne savait pas alors qu’elle filmait les deux derniers mois de la vie de Bahman Mohassess, légende l’art moderne iranien. Il s’apprête alors à réaliser son oeuvre ultime, commandée par deux collectionneurs et pousse la confidence avec la cinéaste. L’artiste revient, avec une certaine légèreté, sur sa carrière et sur sa vie, et les petites trivialités matérielles du quotidien d’un vieil homme viennent se mêler au dialogue : manies, gourmandises, toussotements. Jusqu’à ce moment ultime où s’arrête le film : la mort du peintre en direct. La cinéaste pose alors sa caméra.
Fiche film: 35’, Espagne/France, 2015. Production : Festival de la Rochelle, Perspectives productions
José Luis Guerín tourne son premier film, Los motivos de Berta, en 1983. Suivent En construcción (2001), Goya du Meilleur documentaire, Dans la ville de Sylvia (2007), sélectionné à Venise, et Unas fotos en la ciudad de Sylvia (2007). En 2010, son documentaire Guest est présenté à Venise. Il cosigne ensuite avec Jonas Mekas, Correspondence en 2011 et la même année, Recuerdos de una mañana. C’est dans la chapelle des ex-voto marins de la cathédrale Saint-Louis, à La Rochelle, que l’on peut contempler le tableau qui témoigne de la tragédie que connut Le Saphir, en 1741. Cette goélette négrière, encalminée pendant des jours et des jours dans les eaux intertropicales, transportait 271 esclaves et 30 membres d’équipage. Ce petit tableau est comme la porte secrète d’une cathédrale qui s’ouvre sur la grande Histoire…
Fiche film: 70’, Allemagne/Palestine, 2015. Sélectionné au festival de Locarno (2015)
Ce film est un rêve, celui d’un cinéaste qui retourne dans la Jaffa des années 60 à 90, et qui filme. Pour concrétiser ce rêve -filmer le passé- le cinéaste palestinien Kamal Aljafari n’a trouvé que les images de films tournées alors par les Israëliens et les Américains. Comme si, de Jaffa, il ne restait plus rien, pas même les images. De ces images tournés par eux, il a fait une « re-collection », un collage montrant Jaffa telle que ces mêmes Israëliens et Américains l’ont laissée : en ruines. De Jaffa vivante, il ne reste que des images de films de fiction. Le cinéaste ne cherche pas à restaurer la ville perdue, dit-il, juste son image. Et ces images muettes, sur lesquelles un générique de fin viendra apposer une identité, redonnent vie à ceux ici relégués en arrière-plan de l’image, de l’Histoire.
Fiche film 160’, France/Iraq, 2015. Producteur ADR productions. Prix du meilleur documentaire au festival Visions du Réel, Nyon (Suisse). Primé à Locarno (Doc Alliance). Sortie en salles au printemps 2016.
Un film-fleuve en deux parties. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur. Première partie : la famille Fahdel se prépare à la guerre. Ce volet 1 est une chronique familiale de l’attente, dans un climat troublant, où règne paradoxalement une certaine légèreté. Pendant que la télévision déverse les images à la gloire de Saddam Hussein, les préparatifs rythment le quotidien : un puits est installé dans le jardin, pour que la famille ait de l’eau à peu près potable pendant le conflit ; une montagne de petits pains sera bientôt stockée dans un grand sac ; les vitres du salon sont consolidées avec du ruban adhésif épais et l’on voit encore les traces de celui utilisé lors de la dernière guerre, en 1991, etc. Le neveu Haidar s’active, presque guilleret : pendant la guerre, il ira à la campagne…
Fiche film 174’, France/Iraq, 2015. Producteur ADR productions. Prix du meilleur documentaire au festival Visions du Réel à Nyon (Suisse). Primé à Locarno (Doc Alliance). Sortie en salles au printemps 2016.
Un film-fleuve en deux parties. Une plongée minutieuse dans le quotidien des Irakiens, celui de la famille du réalisateur. Deuxième partie : les Américains ont envahi Bagdad. Dans ce volet 2, la famille du réalisateur se retrouve réunie dans la maison de Bagdad, après l’invasion du 20 mars 2003. Autour d’eux, la désolation. C’est avec eux, avec leurs yeux, que le cinéaste va filmer les destructions, enregistrer la détresse et la colère des habitants qui se sont encore appauvris. Les pillards sévissent, la police ne fait plus son travail, la population commence à s’armer, les filles ne sortent plus de peur d’être enlevées... On est en 2003, loin encore des révélations sur les mensonges de Bush pour justifier l’invasion de l’Irak.
Fiche film: Producteur/distributeur : Shellac. Sélection Un certain regard (Cannes 2015). Sortie en salle le 25 novembre 2015
Le quatrième film d’un cinéaste italien installé aux Etats-Unis. Après Le Coeur battant, dernier film d’une trilogie texane, Roberto Minervini poursuit un travail ethno-anthropologique sur les communautés marginales qui peuplent les Etats Unis. Un travail teinté de fiction. Cette fois, il filme le quotidien de communautés de marginaux blancs et pauvres. Le film est partagé en deux parties distinctes. La première partie suit un couple, Mark et Lisa, abîmé dans la drogue. La deuxième, un groupe d’activistes partisans du port d’armes…
«Minervini tourne énormément et s’efforce d’être le moins invasif possible. Son œil est vraiment celui du photographe, il a un sens admirable du cadre et du moment. The Other side est donc non l’envers du décor mais le passage par un bain révélateur d’une réalité qui à la fois fascine et embarrasse, une mise à nu des plaies et ruines d’un pays conquérant et toujours partiellement vaincu.» (in Libération).
Avant première
Fiche Film: 88’, 2015, France. Producteur : Bathysphère production. Distributeur : Jour2fête. Sélection ACID (Cannes 2015). Sortie en salles le 23 décembre 2015
Ça commence comme un conte de fées : il y a une reine, un roi et leurs beaux enfants, Pauline, Anaïs et Guillaume. Mais c’est plus compliqué, plus punk, le roi porte des talons aiguille, la reine veut rattraper le temps perdu, leurs héritiers se rebellent. Rien ne va plus, Pauline s'arrache. « Pauline s’arrache est un documentaire qui nous amène au cœur de la vie mouvementée de Pauline, 15 ans, filmée par sa demi-sœur, Emilie Brisavoine. Pauline, la benjamine est la seule qui est restée vivre chez leurs parents atypiques : la mère, ancienne reine de la nuit, tombée amoureuse d’un jeune homme travesti, son père. La cohabitation entre Pauline et sa famille est explosive (…) C’est un film tourbillon, où les lignes se déplacent sans cesse. Sa force est de ne jamais laisser le spectateur au repos… » (l’ACID)
En avant première en présence de la réalisatrice
Fiche film: 49’, France, 2015. Production Stanley White. Prix Solinas documentario per il cinema.Filmmaker Film festival Milan - Prix Jury Jeunes. Visions du Réel Nyon - Rencontres du moyen métrage de Brive - Prix Jury Jeunes - Prix spécial CINE+.
« De cinéma, il est question pendant les 49 minutes que le film de François Farellacci affiche au compteur. La mise-en-scène adopte ici littéralement son sujet : Lupino comprend – au sens de prendre avec lui – les adolescents abandonnés sur les rivages de la société qu’il suit aléatoirement dans le quartier homonyme de Bastia. Le moyen métrage démarre ainsi, pied au plancher, sur des images VHS de gamins aux contours flous, accompagnés d’une chanson de métal particulièrement percutante de Gojira : son titre programmatique, « L’Enfant sauvage », annonce le mélange de tendresse et d’âpreté qui va conduire le récit, tant ses protagonistes peuvent s’insulter tout en se prenant dans les bras. » in Critikat
En présence des deux réalisateurs
LE 18ème CORSICA.DOC: UNE EDITION MAJEURE
Le cinéma est un art jeune, et c’est un regard neuf qu’il porte sur les animaux. Non pas celui qui fut celui de la peinture, empreint de religion, de mysticisme ou de mythologie. Non, c’est un regard profondément troublé que porte les cinéastes sur les « non-humains », prolongeant en cela les interrogations des jeunes philosophes d’aujourd’hui. C’est, modestement, que nous esquisserons cette histoire d’un rapport Homme/Animal par les films choisis ici, en écho aux tableaux du Palais Fesch d’Ajaccio.
Les films de la compétition, eux, ne témoigneront pas moins des graves questions qui traversent notre temps. La guerre, la famille, la vieillesse… les jeunes cinéastes font feu de tout bois pour réaliser de puissants gestes cinématographiques.
Une arche de Noé cinématographique
par Federico Rossin
« Si aujourd’hui nous n’observons plus les animaux, eux n’ont pas cessé de le faire. Ils nous regardent car nous avons, depuis la nuit des temps, vécu en leur compagnie. Ils ont nourri nos rêves, habité nos légendes et donné un sens à nos origines. Ils portent à la fois notre différence et la trace de ce que nous croyons avoir perdu. »
John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?
Cette programmation est une traversée à la fois ludique, pensive et visionnaire autour de l'univers des animaux, elle interroge et réactive la relation entre l’homme et l’animal, le lien qui au fil de l’histoire se voit transformé par les nouveaux rapports de production du XX e siècle, réduisant l’animal à l’état de bête avant d’en faire un simple produit de consommation. Mais une nouvelle conscience de la relation entre nous et les animaux commence à émerger depuis quelques années. Et comme toujours le cinéma est un merveilleux miroir pour comprendre notre société par le prisme de son imaginaire et de son esthétique.
Le parcours des séances est une surprenante Arche de Noé cinématographique dans laquelle le public ajaccien pourra faire à la fois une expérience de découverte et de partage. Si Werner Herzog interroge radicalement notre anthropomorphisme dans son Grizzly Man (2005), Frederick Wiseman avec son Zoo (1993) nous plonge dans un microcosme animal reconstruit artificiellement, en miroir ironique et impitoyable de notre société. Barbet Schroeder, dans son Koko, le gorille qui parle (1978), dresse un portrait drôle et terrible de notre fantasme d'omnipotence scientifique et éthique sur le monde animal. Roberto Rossellini a réalisé India (1959) de manière expérimentale : le résultat est une éblouissante tentative de décrire la relation durable et fructueuse entre les hommes et les animaux (éléphants, tigres, singes), à travers une structure à épisodes imprégnée d'une profonde empathie: un film qui nous réconcilie avec la Terre Mère (Matri Bhumi) et nous met au même niveau que tous les êtres vivants.
La distance qui nous sépare des animaux
par Olivia Cooper-Hadjian
Les cinéastes ici cités prennent le parti d’adopter vis-à-vis de l’humain une distance à la mesure de celle qui nous sépare des autres animaux. Les bêtes y conservent tout leur mystère, et nous regagnons une partie du nôtre. Car n’est-il pas étrange d’envoyer des chiens dans l’espace ou d’imbriquer de minuscules insectes dans de grandes machines de pointe pour tenter de percer le secret de leur cognition, et peut-être de leur conscience ?
Si l’exploitation n’est pas absente de ces démarches, ces cinéastes la déjouent par leur geste et rétablissent un lien avec l’animal en se mettant physiquement à sa place : Elsa Kremser et Levin Peter suivent le parcours d’une meute de chiens errants, adoptant leur cadence, dans Space Dogs ; Maud Faivre et Marceau Boré montrent la solitude des insectes scrutés dans Modèle animal. Certains rapports sont plus ambigus, comme le montre Homing, où le dérèglement de l’environnement éveille un effort de réparation par des actes de soin.
Le respect qu’imposent les bêtes se mâtine d’envie, jusqu’à l’absurde : on s’imagine échapper à notre propre condition, en tentant d’imiter leurs talents musicaux dans Langue des oiseaux d’Érik Bullot, ou en s’identifiant à leur pouvoir de séduction dans Los que desean d’Elena López Riera.